Congé de maladie en cas de grève interdite : le Conseil d’État pose des limites

Public - Droit public général
26/04/2023
Dans un arrêt rendu le 21 avril 2023, le Conseil d’État a annoncé que dans des circonstances particulières de mouvement social dans une administration où la grève est interdite, l’administration peut, sous certaines conditions, refuser d’accorder des congés de maladie à des agents publics sans procéder à une contre-visite.
Dans cette affaire, un certain nombre d’agents publics d’un centre pénitentiaire avaient transmis à leur administration des avis médicaux leur prescrivant une interruption de travail de plusieurs jours pendant une période de mouvement social au cours de l’établissement.
 
L’administration pénitentiaire fait partie des administrations de la fonction publique de l’État où la grève est interdite (voir Le Lamy fonction publique n° 1466 Interdictions du droit de grève pour certains fonctionnaires). L’ordonnance du 6 août 1958, alors applicable, prévoyait à son article 3 : « Toute cessation concertée du service, tout acte collectif d'indiscipline caractérisée de la part des personnels des services extérieurs de l'administration pénitentiaire est interdit ».
 
Droit à des congés de maladie
 
L’administration reprochait à ces agents d’avoir contourné l’interdiction de la grève en utilisant un arrêt maladie, et leur avait refusé la mise en congé de maladie, sans procéder à une contre-visite.
 
Or, le statut général des fonctionnaires, désormais codifié, prévoit un droit à des congés de maladie pour les fonctionnaires, subordonné à la condition d’adresser à l’administration un avis d’interruption de travail. L’administration, de son côté, « peut faire procéder à tout moment à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé ».
 
Il en résulte, rappelle le Conseil d’État, « que l'administration ne peut en principe interrompre le versement de la rémunération d'un agent lui demandant le bénéfice d'un congé de maladie en produisant un avis médical d'interruption de travail qu'en faisant procéder à une contre-visite par un médecin agréé ».
 
Licéité du refus d’un congé de maladie sans contre-visite
 
La Haute cour décide toutefois dans son arrêt du 21 avril 2023 (CE, 21 avr. 2023, n° 450533, Lebon T.) de créer une exception à ce principe en permettant à l’administration, dans des circonstances particulières, de refuser un congé de maladie à des agents sans contre-visite, en cas :
  • « De mouvement social de grande ampleur dans une administration où la cessation concertée du service est interdite »,
  • « De réception d’un nombre important et inhabituel d’arrêts sur une courte période la mettant dans l'impossibilité pratique de faire procéder de manière utile aux contre-visites ».
 
Le Conseil veille toutefois à préserver les droits des agents publics en annonçant qu’ils peuvent contester cette décision de refus de congé de maladie :
  • Soit en établissant « par tout moyen la réalité du motif médical ayant justifié leur absence pendant la période considérée »
  • Soit en saisissant le conseil médical, « qui rendra un avis motivé dans le respect du secret médical. »
 
Le Conseil d’État vient ici poser une limitation très importante au droit au congé de maladie, protégé par le Code général de la fonction publique. L’article L. 822-1 du CGFP prévoit en effet : « Le fonctionnaire en activité a droit à des congés de maladie lorsque la maladie qu'il présente est dûment constatée et le met dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. » (principe anciennement prévu par : L. n° 84-16, 11 janv. 1984, art. 37 pour la fonction publique de l'État ; L. n° 84-53, 26 janv. 1984, art. 57 pour la fonction publique territoriale ; L. n° 86-33, 9 janv. 1986, art. 41 pour la fonction publique hospitalière). Il pose toutefois des conditions strictes, dont une impossibilité pratique de procéder à une contre-visite.
 
Pour contester la décision de refus d'octroi d'un congé de maladie, les agents disposent de deux voies de recours :
— soit la saisine cas le conseil médical, prévue par décret (D. n° 86-442, 14 mars 1986, art. 21 pour la fonction publique de l'État, D. n° 87-602, 30 juill. 1987, art. 18 pour la fonction publique territoriale et D. n° 88-386, 19 avr. 1988, art. 18 pour la fonction publique hospitalière) ;
— soit, en cas d’urgence, la saisine du juge des référés.
Source : Actualités du droit