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Tarifs réglementés de l’énergie : il y a de l’eau dans le gaz

Public - Droit public des affaires
04/10/2017
« Tant que le marché de détail du gaz était exploité en monopole, la raison d’être des tarifs réglementés était claire : il s’agissait d’éviter que l’opérateur historique profite de sa situation dominante pour surfacturer la fourniture du gaz. Depuis l’ouverture de ce marché à la concurrence, quelle est la justification des tarifs réglementés ? » Telle est la question éminemment soulevée par le rapporteur public Marie-Astrid de Barmon dans ses conclusions sur la fameuse décision ANODE du 19 juillet dernier. Les termes du débat chronique alimenté par les tarifs réglementés de l’énergie sont ici clairement posés.
Un débat qui risque fort d’être ravivé par la posture adoptée par les juges du Palais-Royal qui, s’érigeant en chantres d’un marché du gaz naturel concurrentiel, ont accordé aux fournisseurs alternatifs d’énergie l’annulation du décret du 16 mai 2013 relatifs aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel pratiquement dix ans après la libéralisation complète de ce marché (v. actualité du 20 juill. 2017).  Nonobstant la portée essentiellement symbolique de cette solution, le Conseil d’État ayant rejeté les conclusions de l’ANODE (Association nationale des opérateurs détaillants en énergie) demandant qu’il soit enjoint à l’État de prendre « toutes les mesures garantissant la disparition des contrats » aux tarifs réglementés de vente (TRV), elle a néanmoins de quoi ouvrir une brèche dans un dispositif vieux de soixante-dix ans. Car la position de la Haute juridiction administrative ne laisse plus de place à l’ambiguïté quand celle-ci proclame « l’entrave à la réalisation d’un marché du gaz naturel concurrentiel que constitue la réglementation tarifaire contestée ne poursuit aucun objectif d’intérêt économique général ».  CQFD ! Les arguments d’Engie et du ministre tenant à la sécurité d’approvisionnement ou à l’objectif de cohésion territoriale ne tiennent plus dans un contexte où le gaz naturel, énergie substituable, n’est pas reconnu par la loi comme un bien de première nécessité.

Rappelons que les doutes nourris par les TRV avaient déjà été pointés par l’Autorité de la concurrence dans son avis rendu le 25 mars 2013 où elle citait les exemples de la Grande Bretagne et de l’Allemagne pour affirmer que le « gaz est moins cher dans les pays qui ont supprimé toute réglementation des prix de détail ». Et d’ajouter qu’ « une réglementation des prix est souvent facteur d’augmentation des prix payés par les consommateurs ». Mais le Médiateur de l’énergie, dans son rapport du 30 mai dernier n’est pas de cet avis, celui-ci plaidant pour « la préservation des tarifs réglementés de vente » qui jouent, selon Jean Gaubert « un rôle de bouclier régulateur face aux variations de prix des offres de marché ».

Mais en dépit de cet acte de résistance et même si l’article L. 445-3 du code de l’énergie encadrant la fixation des tarifs réglementés a survécu aux assauts répétés de l’ANODE, il semblerait bien qu’il y ait de l’eau dans le gaz…reste à savoir si la menace pèse de la même façon pour l’électricité. 
 
 
Source : Actualités du droit