Mady Delvaux, députée européenne : « Le robot doit être au service de l’homme »
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16/02/2017
Par 396 votes pour et 123 votes contre, le Parlement européen a adopté, jeudi 16 février, le rapport sur la robotique porté par l'eurodéputée (S&D) luxembourgeoise Mady Delvaux. La Commission européenne a désormais trois mois pour se prononcer sur une éventuelle proposition législative. Entretien…
Revue Lamy Droit Civil : Vous appelez de vos vœux une harmonisation des normes techniques à l’échelle européenne et internationale. La certification n’est-elle pas une première étape, essentielle, pour rassurer les consommateurs pour lesquels le progrès, en matière de robotique, est essentiellement anxiogène (1) ?
Mady Delvaux : La certification est une première étape pour assurer aux citoyens que le produit qu’ils consomment répond aux exigences de l'UE en matière de sécurité, de santé et de protection de l'environnement. Le secteur de la robotique est en constant développement, de nouvelles normes techniques sont donc constamment nécessaires. La difficulté est de garder une flexibilité et une capacité d’adaptation des normes tout en garantissant un cadre juridique stable. L’établissement de normes européennes serait profitable non seulement aux citoyens mais également aux industries qui bénéficieraient d’une prévisibilité de la loi et d’une sécurité juridique.
RLDC : Le rapport se prononce-t-il sur la création d’une personnalité juridique pour les robots ?
M.D. : Le rapport énumère la création d’une personnalité juridique comme une possibilité parmi d’autres à long terme. Dans l’hypothèse d’un accroissement de l’autonomie de certains robots, le but serait d’assurer une indemnisation aux victimes même quand aucun agent humain ne saurait être tenu responsable.
RLDC : Le rapport souligne, également, les lacunes du cadre juridique actuel en matière de responsabilité contractuelle. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
M.D. : L'existence de machines conçues pour choisir un co-contractant, négocier des clauses contractuelles, conclure un contrat et décider où et quand appliquer ledit contrat rend les règles habituelles inapplicables. Ce qui souligne la nécessité de mettre au point de nouvelles règles actualisées en matière de robotique.
RLDC : Vous appelez également de vos vœux une réflexion éthique sur les robots. Pour quelles raisons et quels en seraient les axes ?
M.D. : Les robots interagissent de manière accrue avec les êtres humains. L’ère où les robots étaient enfermés dans une cage, comme c’est souvent le cas dans les usines, est passée. Alors comment vivre avec les robots ? Le plus important est de rester conscient qu’un robot n’est pas un être humain. Un robot peut montrer de l’empathie mais un robot ne va jamais vous aimer. Il doit être au service de l’homme.
Par exemple, prenons un robot de soin qui aide un infirmier en prenant en charge les tâches physiquement les plus difficiles tel que soulever le patient. Ce robot interagit directement avec le patient. Il doit donc être programmé d’une certaine manière pour respecter nos principes et valeurs européennes, tels que la dignité humaine, la non-discrimination ou le respect de la vie privée et de la vie familiale.
RLDC : Le rapport propose l’instauration d’un revenu universel et le changement des systèmes de sécurité sociale. Pouvez-vous revenir sur ces points ?
M.D. : Sur la question du futur développement de l’emploi, les experts sont partagés. La moitié d’entre eux assurent que les robots vont créer plus d’emplois qu’ils ne vont en détruire et l’autre moitié dit l’inverse. Dans cette perspective, il vaut donc mieux réfléchir maintenant et se préparer pour les différents scénarios possibles. Si jamais le scénario « perte d’emplois massive » se réalise, cela remettra en question notre système de sécurité sociale, les taxations et le financement entre autres. Pour le moment, notre système social repose sur l’emploi, sur la taxation du travail. Si ce revenu n’existe plus, il faudra réfléchir à des modèles alternatifs. Dans ce scénario où les robots prennent le travail des humains, notre rôle de politique est de réfléchir à comment assurer un revenu décent à la population. Dans cette optique, nous pensons que le revenu universel mérite d’être étudié et débattu.
RLDC : Certains États dans le monde ont-ils déjà légiféré sur ce sujet ?
M.D. : Non. Le Parlement européen est le premier parlement au monde à avoir lancé un débat sur ce sujet.
Propos recueillis par Gaëlle Marraud des Grottes
(1) L’intégralité de cet entretien sera publiée dans la Revue Lamy Droit civil à paraître en mars.
Source : Actualités du droit