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Inaptitude professionnelle : le rôle essentiel de l'obligation de sécurité de l'employeur

Transport - Route
20/03/2024
Le licenciement du salarié est dénué de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité résultant du maintien partiel du port de charges lourdes en dépit des préconisations médicales. Ainsi a jugé la Cour d'appel de Grenoble le 14 mars 2024.
Victime d’un accident du travail survenu lors de la manutention d’un photocopieur, le salarié, engagé comme chauffeur poids lourd et agent de manutention, se voit prescrire par le médecin du travail un aménagement de poste pour six mois, excluant le port de charges. 
Licencié pour inaptitude professionnelle, le salarié, qui conteste le bien-fondé de la rupture, saisit le juge aux fins de voir reconnaitre une exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur et obtenir sa condamnation à lui payer les indemnités afférentes.

Pour justifier du respect des préconisations du médecin du travail au titre de son obligation de prévention et de sécurité jusqu'à la reprise de l'activité, l'employeur produit plusieurs pièces : une photographie de l’ordinateur du salarié « pour montrer qu'il dispose d'une session à son nom », des courriels échangés avec des tiers pendant la période d’aménagement « afin d'établir que [le salarié] effectuait des tâches administratives » ainsi que son relevé du lecteur de carte de conducteur « laissant apparaître seulement quarante-huit trajets sur une période de douze mois ».

Toutefois, « si ces différents éléments montrent que l'employeur a bien substitué une grande partie des tâches du salarié par des missions administratives, ils ne permettent pas d'exclure totalement les ports de charges contre-indiqués », alors même que l’avis du médecin du travail « n’a pas laissé ouverte la question du port de charges ».

Dès lors, l'employeur ne démontre pas suffisamment qu'il a respecté les préconisations médicales qui excluaient le port de charges, de sorte que l'inaptitude est au moins partiellement provoquée par un manquement de sa part à son obligation de sécurité. 

Cette décision s'inscrit dans la continuité de la jurisprudence rendue en la matière, puisque la Cour de cassation a jugé que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée, en particulier à son obligation de sécurité (Cass. soc., 12 janv. 2022, n° 20-22.573). 
Source : Actualités du droit