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Médiation : le Conseil d'État précise la portée du principe de confidentialité

Public - Droit public général
22/11/2023
Dans un avis rendu le 14 novembre 2023, le Conseil d’État a précisé le périmètre du principe de confidentialité de la médiation administrative. Il déclare que les « documents procédant à des constatations factuelles ou à des analyses techniques établis par un tiers expert à la demande du médiateur ou à l'initiative des parties » ne sont pas soumis à l’obligation de confidentialité, lorsqu’ils « ne font pas état des positions avancées par le médiateur ou les parties en vue de la résolution du litige dans le cadre de la médiation ». Ainsi, la confidentialité prévue par l’article L. 213-2 du Code de justice administrative ne s’applique qu’aux constatations du médiateur et aux déclarations des parties.
Le tribunal administratif de la Réunion a interrogé le Conseil d’État sur l’application de l’obligation de confidentialité de la médiation, posée par l’article L. 213-2 du Code de justice administrative, et demandé plus précisément si un rapport d’expertise établi à la demande du médiateur ou à l’initiative des parties, dans le cadre du processus de médiation, était soumis à ce principe.
 
 CJA, art. L. 213-2 :
« (…) Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d'une instance juridictionnelle ou arbitrale sans l'accord des parties. (…) ».
 
Le tribunal a posé au Conseil d’État les questions suivantes :
  • « à quelles conditions une pièce, des observations ou un élément d'analyse issus d'un processus de médiation peuvent-ils être considérés comme une constatation du médiateur ou des déclarations recueillies au cours de la médiation au sens et pour l'application de l'article L. 213-2 du code de justice administrative ».
  • « dans l'hypothèse où il ne remplirait pas les conditions définies en réponse à la première question, un rapport d'expertise établi dans le cadre d'un processus de médiation et procédant à une analyse technique et factuelle des prétentions des parties peut-il être soumis au débat contradictoire et être régulièrement pris en compte par le juge du fond à titre d'élément d'information ».
 
Constatations du médiateur et déclarations des parties
 
Le Conseil d’État déclare dans son avis publié au recueil Lebon (CE, avis, 14 nov. 2023, n° 475648, A) qu’en application de l’article L. 213-2 du CJA, ne sont soumises au principe de confidentialité « que les seules constatations du médiateur et déclarations des parties recueillies au cours de la médiation, c'est-à-dire les actes, documents ou déclarations, émanant du médiateur ou des parties, qui comportent des propositions, demandes ou prises de position formulées en vue de la résolution amiable du litige par la médiation ». Ainsi, seuls ces actes ne peuvent pas être divulgués à des tiers ou être invoqués ou produits dans le cadre d’une instance juridictionnelle.
 
La Haute juridiction vient donc restreindre le champ d’application du principe de confidentialité, alors que le Code de justice administrative permettait une application extensive en disposant que « la médiation est soumise au principe de confidentialité ».
 
Le Conseil, après avoir restreint l’application du principe de confidentialité, vient préciser quels documents n’y sont pas soumis. Ainsi, peuvent être « invoqués ou produits devant le juge administratif d'autres documents, émanant notamment de tiers, alors même qu'ils auraient été établis ou produits dans le cadre de la médiation ».
 
Il cite le cas particulier des expertises et établit une distinction entre les positions des parties et du médiateur d’une part, et des « constatations factuelles » d’autre part. Ne sont donc pas soumis au principe de confidentialité les « documents procédant à des constatations factuelles ou à des analyses techniques établis par un tiers expert à la demande du médiateur ou à l'initiative des parties dans le cadre de la médiation, dans toute la mesure où ces documents ne font pas état des positions avancées par le médiateur ou les parties en vue de la résolution du litige dans le cadre de la médiation ».
 
Confidentialité de certains documents dans le cadre d’une expertise avant dire droit  
 
Après avoir déclaré que les expertises établies à la demande du médiateur ou à l’initiative des parties n’étaient en principe pas confidentielles (« dans toute la mesure où ces documents ne font pas état des positions avancées par le médiateur ou les parties en vue de la résolution du litige dans le cadre de la médiation »), le Conseil d’État vient préciser que tel n’est pas le cas pour les expertises avant dire droit pour lesquelles l’expert se voit confier une mission de médiation.
 
Ainsi, en pareil cas, « doivent (…) demeurer confidentiels les documents retraçant les propositions, demandes ou prises de position de l'expert ou des parties, formulées dans le cadre de la mission de médiation en vue de la résolution amiable du litige ». Le Conseil précise que l’expert devra « remettre à la juridiction un rapport d'expertise ne faisant pas état, sauf accord des parties, des constatations et déclarations ayant eu lieu durant la médiation ».
 
Absence de confidentialité du fait de l’accord des parties et exceptions de l’article L. 213-2 du CJA
 
Le Conseil précise également dans son avis que les pièces soumises à l’exigence de confidentialité peuvent être invoquées ou produites devant le juge dans deux cas :
  • si les parties ont donné leur accord ;
  • si l’utilisation de ces pièces relève d’une des exceptions prévues à l’article L. 213-2, à savoir « en présence de raisons impérieuses d'ordre public ou de motifs liés à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ou à l'intégrité physique ou psychologique d'une personne » ou « Lorsque la révélation de l'existence ou la divulgation du contenu de l'accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre ».
Dans ces deux seules hypothèses, le juge pourra utiliser ces pièces pour fonder son appréciation.
 
Source : Actualités du droit