Retour aux articles

Une proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique

Environnement & qualité - Environnement
Public - Environnement
28/10/2020
À l’heure du déploiement de la 5G, la mission d’information relative à l’empreinte environnementale du numérique, mise en place par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, est chargée de proposer des pistes d’actions afin d’engager la France dans une transition numérique compatible avec la lutte contre le changement climatique. À ce titre, son président et ses deux rapporteurs ont déposé une proposition de loi visant à traduire les propositions législatives de leur feuille de route pour une transition numérique écologique.
Cette proposition de loi déposée au Sénat le 12 octobre dernier pointe l’urgence d’intervenir sur un secteur aux impacts environnementaux considérables mais surtout qui ne cessent de progresser. En outre, les auteurs constatent un manque de sensibilisation des utilisateurs du numérique aux enjeux environnementaux.
Leur proposition de loi regroupe ainsi les dispositions législatives des 25 propositions de la feuille de route pour une transition numérique écologique publiées le 24 juin dernier (voir notre actualité du 24 juin 2020).
Elle vise « à orienter le comportement de tous les acteurs du numérique, qu'il s'agisse des consommateurs, des professionnels du secteur ou encore des acteurs publics, afin de garantir le développement en France d'un numérique sobre, responsable et écologiquement vertueux ». Défi de taille.
Pour le relever, les leviers d’action suivants sont identifiés :
 
Faire prendre conscience aux utilisateurs du numérique de son impact environnemental
  • en inscrivant la sobriété numérique comme un des thèmes de la formation à l'utilisation responsable des outils numériques à l'école ;
  • en conditionnant la diplomation des ingénieurs en informatique à l'obtention d'une attestation de compétences acquises en écoconception logicielle ;
  • en créant un « Observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique » placé auprès de l'Ademe pour analyser et quantifier les impacts directs et indirects du numérique sur l'environnement, ainsi que les gains potentiels apportés par le numérique à la transition écologique et solidaire ;
  • en inscrivant l'impact environnemental du numérique dans le bilan RSE des entreprises ;
  • par la mise en place d’un crédit d'impôt à la numérisation durable des petites et moyennes entreprises. Ce crédit d'impôt permettrait de couvrir la moitié des dépenses engagées destinées à l'acquisition d'équipements numériques reconditionnés ou à la réalisation d'études d'impact environnemental des services numériques.
Limiter le renouvellement des terminaux, principaux responsables de l'empreinte carbone du numérique
  • en rendant véritablement effectif le délit d’obsolescence programmée, en inversant, pour les équipements numériques, la « charge de la preuve ». Il incomberait désormais au producteur - et non plus au consommateur - de prouver que la réduction de la durée de vie du terminal n'est pas délibérée et qu'elle découle d'éléments objectifs étrangers à toute stratégie d'augmentation du taux de remplacement ;
  • en sanctionnant l’obsolescence logicielle, par son intégration dans la définition donnée à l'obsolescence programmée à l'article L. 441-2 du code de la consommation ;
  • en imposant au vendeur de biens comportant des éléments numériques de dissocier les mises à jour de sécurité des autres mises à jour, afin de permettre au consommateur de n'installer que les mises à jour de sécurité sans entraîner un défaut de conformité du bien ;
  • en augmentant de deux à cinq ans la durée minimale pendant laquelle le consommateur doit pouvoir recevoir des mises à jour nécessaires au maintien de la conformité de ses biens ;
  • en permettant à l'utilisateur ayant installé une mise à jour de rétablir les versions antérieures des logiciels fournis lors de l'achat du bien ;
  • en faisant passer de deux à cinq ans la durée de la garantie légale de conformité pour les équipements numériques ;
  • en déclinant pour certaines catégories d’équipements numériques les objectifs de recyclage, de réemploi et de réparation fixés par les cahiers des charges des éco-organismes de la filière DEEE ;
  • en imposant la prise en compte de critères de durabilité des produits dans les achats publics de certains produits numériques, sur la base notamment des critères de l'indice de réparabilité, obligatoire au 1er janvier 2021, puis de l'indice de durabilité à partir du 1er janvier 2024 ;
  • en réduisant le taux de TVA sur la réparation de terminaux et l'acquisition d'objets électroniques reconditionnés pour limiter les achats neufs.
Promouvoir le développement d'usages du numérique écologiquement vertueux
  • en interdisant les forfaits mobiles avec un accès aux données illimitées et en rendant obligatoire la tarification, au moins pour partie, proportionnelle au volume de données fixé par le forfait ;
  • en rendant obligatoire l'écoconception des sites web et services en ligne publics et des entreprises dont le chiffre d'affaires excède un seuil défini par décret en Conseil d'État, obligation dont le non-respect serait sanctionné par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) ;
  • en intégrant dans la déclaration RSE des entreprises exerçant une activité de fournisseur de contenus des informations relatives aux stratégies et techniques déployées dans la conception de ces contenus afin de capter l'attention des utilisateurs et d'accroître le temps passé par eux sur ces services ;
  • en obligeant les services de médias audiovisuels à la demande à adapter la qualité de la vidéo téléchargée à la résolution maximale du terminal, afin d'éviter toute consommation énergétique inutile induite par le chargement de vidéos de trop haute qualité ;
  • en interdisant le lancement automatique des vidéos (par dérogation, sur les services de médias audiovisuels à la demande ou sur les réseaux sociaux, le lancement automatique des vidéos pourrait être autorisé, sous réserve que cette fonctionnalité soit désactivée par défaut) ;
  • en interdisant la pratique du défilement infini des services de communication au public en ligne.
Maîtriser le coût environnemental des centres de données et réseaux
  • par la souscription par les centres de données à des engagements pluriannuels contraignants de réduction de leurs impacts environnementaux dont le respect serait contrôlé par l'Arcep ;
  • en conditionnant l’avantage fiscal dont bénéficient les centres de données sur la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) à des critères de performance environnementale ;
  • par la souscription par les opérateurs de réseaux à des engagements pluriannuels contraignants de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) et de leurs consommations énergétiques dont le respect serait contrôlé par l'Arcep ;
  • en ajoutant comme motif de refus d'attribution de fréquences radioélectriques par l'Arcep la préservation de l'environnement.
Cette proposition de loi pourrait permettre d'offrir quelques réponses concrètes aux craintes légitimes que soulève le déploiement de la 5G en France.
Source : Actualités du droit