La semaine du droit des entreprises en difficulté

Affaires - Commercial
28/09/2020
Présentation des dispositifs des derniers arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit des entreprises en difficulté.
Responsabilité des créanciers – préjudices subis du fait des concours consentis
«Selon l’arrêt attaqué (Nancy, 25 juillet 2018), par des actes du 30 mars 2011, M. et Mme U... se sont rendus cautions d’un prêt consenti à la société  Y (la société) par la société Banque X
La société ayant été mise en redressement puis, après résolution d’un plan, en liquidation judiciaire, respectivement les 18 juillet 2013 et 2 juillet 2015, la banque a assigné en paiement les cautions qui, reconventionnellement, ont recherché sa responsabilité pour rupture abusive de crédit.
(…)
Vu l'article L. 650-1 du Code de commerce :
Aux termes de ce texte, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.
Pour rejeter la demande reconventionnelle de Monsieur et Madame X, l'arrêt retient que si ces derniers déplorent le fait qu'après avoir complaisamment donné son concours financier à la société, la banque l'a brutalement révoqué, en décidant de ramener l'autorisation de découvert qu'elle avait accordée à sa cliente, de 50 000 à 30 000 euros, force est de constater qu'ils n'établissent pas l'existence de l'une des trois causes de mise en jeu éventuelle de la responsabilité de la banque, énoncées par l'article L. 650-1 du Code de commerce.
En statuant ainsi, alors que, les dispositions de l'article L. 650-1 du Code de commerce ne concernant que la responsabilité du créancier lorsqu'elle est recherchée du fait des concours qu'il a consentis, seul l'octroi estimé fautif de ceux-ci, et non leur retrait, peut donner lieu à l'application de ce texte, la cour d'appel a, par fausse application, violé celui-ci
».
Cass. com., 23 sept. 2020, n° 18-23.221, P+B *


Séquestre conventionnel – liquidation judiciaire – restitution
« Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 12 février 2019), par un acte sous seing privé du 26 mai 2010, M. X et M. et Mme Y, mis en relation par un agent immobilier, la société JLG, ont signé une promesse de vente et d'achat d'un terrain. M. et Mme Y ont versé un dépôt de garantie de 10 000 euros entre les mains de la société JLG. Invités par le notaire à se présenter à son étude pour la signature de l'acte authentique de vente, M. et Mme Y ont fait savoir qu'en raison de la délivrance d'un certificat d'urbanisme ne leur permettant pas de réaliser l'opération de construction qu'ils projetaient, ils n'entendaient plus acquérir le terrain, et ont demandé à la société JLG la restitution du dépôt de garantie à laquelle celle-ci s'est opposée.
Par un jugement du 30 janvier, la liquidation judiciaire de la société JLG a été ouverte, la société TCA étant désignée liquidateur. Les époux Y ont déclaré leur créance puis, le 13 décembre 2013, ont assigné la société TCA, ès qualités, et M. X aux fins d'obtenir la restitution de la somme versée au titre du dépôt de garantie.
 
Vu l'article 1956 du Code civil :
Selon ce texte, le séquestre conventionnel est le dépôt fait par une personne d'une chose contentieuse, entre les mains d'un tiers qui s'oblige à la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir.
Pour déclarer irrecevable la demande de M. et Mme Y contre la société TCA, ès qualités, tendant à la restitution du dépôt de garantie, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la société JLG, tout séquestre qu'elle ait pu être, était tenue d'une obligation de restitution dont l'exécution serait constitutive d'un paiement, que l'article L. 622-21 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, interdit toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture, que parmi ces procédures doivent être incluses celles afférentes aux sommes faisant l'objet d'un séquestre, qu'en sollicitant l'exécution d'un paiement, les époux Y présentaient une demande dont la recevabilité était soumise aux dispositions de l'article L. 622-7 et que la créance de restitution du dépôt de garantie étant antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, la demande, ayant pour objet et finalité l'exécution de cette obligation, constituait une demande en paiement irrecevable. Il retient encore, par motifs propres, qu'il résulte des dispositions des articles L. 622-7 et L. 622-21 qu'en cas de procédure collective ouverte à l'égard d'un séquestre postérieurement à la remise de fonds, les droits des parties l'ayant constitué séquestre conventionnel à recouvrer la somme remise ne peuvent être exercés à d'autres conditions que celles prévues pour les créances nées antérieurement au jour d'ouverture.
 
En statuant ainsi, alors que le séquestre conventionnel oblige le dépositaire, même en liquidation judiciaire, à rendre la chose contentieuse déposée entre ses mains à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir, sans qu'il y ait lieu à concours sur cette somme entre les créanciers de ce dépositaire, de sorte que la demande de restitution de la somme séquestrée entre les mains de la société JLG ne se heurtait pas à l'interdiction de payer une créance antérieure, ni à l'interdiction de toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture, et était recevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».
Cass. com., 23 sept. 2020, 19-15.122, P+B *
 

Procédure de sauvegarde – action en responsabilité – créancier
« Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 22 novembre 2018), la société Centre France automobiles (la société CFA) a souscrit auprès de plusieurs partenaires, dont la société Caisse de crédit agricole mutuel Centre Loire et la société Crédit industriel et commercial Ouest (les banques), des ouvertures de crédit. Les 2 octobre 2014 et 2 février 2015, les banques ont respectivement notifié à la société CFA la dénonciation des concours consentis.
Par un jugement du 21 avril 2015, un tribunal a mis la société CFA en liquidation judiciaire et a désigné la société Ponroy en qualité de liquidateur. La société Conseils et services automobiles du Cher, actionnaire de la société CFA, a elle-même fait l'objet d'une procédure de sauvegarde par un jugement du 9 juin 2015, la société Ponroy étant désignée mandataire judiciaire.
Le 13 janvier 2016, les sociétés CFA et Conseils et services automobiles du Cher et la société Ponroy, ès qualités, ont saisi le tribunal d'une action en responsabilité contractuelle contre les banques sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil et de l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier, pour rupture abusive des crédits.
 
Vu l'article L. 650-1 du Code de commerce :
Aux termes de ce texte, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.
Pour déclarer l'action en responsabilité irrecevable, l'arrêt retient que les demandes fondées sur les dispositions de l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier, tendant à l'octroi de dommages-intérêts en raison de la rupture du crédit court terme, doivent s'analyser comme constituant, au sens de l'article L. 650-1 du Code de commerce, des demandes tendant à ce que les créanciers soient tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis et qu'il n'est pas établi ni même allégué que les banques se seraient rendues coupables de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou que les garanties prises en contrepartie des concours auraient été disproportionnées et en déduit que les prétentions des sociétés CFA et Conseils et services automobiles du Cher et de la société Ponroy, ès qualités, se heurtent nécessairement aux dispositions du texte précité.
En statuant ainsi, alors que, les dispositions de l'article L. 650-1 du Code de commerce ne concernant que la responsabilité du créancier lorsqu’elle est recherchée du fait des concours qu'il a consentis, seul l’octroi estimé fautif de ceux-ci, et non leur retrait, peut donner lieu à l’application de ce texte, la cour d'appel a, par fausse application, violé celui-ci ».
Cass. com., 23 sept. 2020, 19-12.542, P+B *

Redressement judiciaire – excès de pouvoir
« La société Immo Rhône-Alpes, société par actions simplifiée, dont le siège est zone artisanale de l'Aigue, rue Pierre et Marie Curie, 69780 Saint-Pierre-de-Chandieu, a formé le pourvoi no N 18-26.280 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2018 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A)
 
Vu l'article L. 661-7, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 et les principes régissant l'excès de pouvoir :
Il résulte de ce texte que le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'au ministère public à l'encontre des arrêts rendus en application de l'article L. 661-6 III du Code de commerce. Il n 'est dérogé à cette règle, comme à toute autre règle interdisant ou différant un recours, qu'en cas d'excès de pouvoir.
Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 21 novembre 2018), en 2014, le groupe Ascometal rencontrant de sérieuses difficultés, une première procédure de redressement judiciaire a été ouverte à son égard. Au terme de cette procédure, les principaux actifs et activités du groupe ont été cédés dans le cadre d'un plan de cession au profit de la société Asco industries. La société Immo Rhône-Alpes (la société IRA) a considéré que la cession de certaines parcelles, incluse dans le plan de cession, était intervenue en violation d'une clause de préférence dont elle s'estimait bénéficiaire et a assigné la société Asco industries en résolution de cette vente. La cession de 2014 n'ayant pas permis de résoudre l'ensemble des difficultés du groupe, la société Asco industries a été contrainte de céder à son tour certains actifs. En 2015, le tribunal a ainsi levé la clause d'inaliénabilité qui figurait dans le jugement arrêtant le plan de cession, et autorisé cette société a céder les parcelles précitées à la société Asco Fields. A la suite de l'opposition de la société
IRA, la société Asco industries, la société IRA et la société Asco Fields sont parvenues à un accord amiable matérialisé par un protocole transactionnel conclu le 3 août 2016, par lequel elles ont pris des engagements réciproques dont la cession des parcelles par la société Asco Fields à la société IRA et la signature d'une future convention, dont la qualification et les conditions devaient être négociées ultérieurement entre les parties, permettant le maintien, l'usage ou la jouissance des parcelles cédées, par la société Asco industries, tant qu'elle poursuivrait une activité économique sur les lots concernés.
Par un jugement du 22 novembre 2017, la société Asco industries a été mise en redressement judiciaire, X et Y étant désignés administrateurs et Z et A étant désignés mandataires judiciaires. Par un jugement du 29 janvier 2018, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société Asco industries au profit de la société Schmolz + Bickenbach Ag (la société S+B), et le transfert au repreneur des contrats figurant sur l'annexe 2, dont le prêt à usage et ses avenants conclus avec la société IRA.
En incluant dans le périmètre du plan de cession au profit de la société
S+B le prêt à usage et en excluant de ce périmètre les autres obligations
consenties par les parties à la transaction du 3 août 2016, après avoir constaté, dans l'exercice de son pouvoir souverain de recherche de la commune intention des parties, l'existence du prêt à usage et son exécution non équivoque par la société Asco industries, et l'absence de soumission de la vente des parcelles à la société IRA par la société Asco Fields, le 2 décembre 2016, à la condition de l'exécution d'autres obligations que celle de conclure une convention pour permettre à la société Asco industries d'exercer ses activités commerciales sur les parcelles vendues, la cour d'appel n'a fait qu'user du pouvoir, qu'elle tient de l'article L. .642-7 du Code de commerce, de déterminer les contrats nécessaires au maintien de l'activité.
Le pourvoi, dirigé contre une décision qui n'est pas entachée d'excès de pouvoir et qui n'a pas consacré d'excès de pouvoir, n'est donc pas recevable »
Cass. com., 23 sept. 2020, n° 18-26.280, P+B*



 *Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 28 octobre 2020

 
Source : Actualités du droit