Distances d'épandage des pesticides : toujours pas de suspension des textes, même en raison du Covid-19

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03/06/2020
Par deux ordonnances du 15 mai 2020, le Conseil d'État a refusé de suspendre plusieurs textes règlementaires relatifs à l'épandage de pesticides aux abords des habitations, comme il l’avait déjà fait en février dernier. Les requérants, qui invoquaient des motifs supplémentaires liés à l’épidémie de Covid-19 ont été déboutés de leur demande.
Les requêtes avaient été déposées par le Collectif des maires antipesticides (req. n° 440346) et plusieurs association de protection de l’environnement (req. n° 440211). Ils demandaient au juge des référés de suspendre :
– le décret et l’arrêté du 27 décembre 2019 précisant les distances minimales de sécurité pour l’épandage des pesticides près des habitations (D. n° 2019-1500, 27 déc. 2019, JO 29 déc. ; lire Produits phytopharmaceutiques : conditions d’utilisation à proximité des habitations, Actualités du droit, 2 janv. 2020 et Arr. 27 déc. 2019, NOR : AGRG1937165A, JO 29 déc. ; lire Produits phytopharmaceutiques : les mesures de protection des personnes sont étendues, Actualités du droit, 2 janv. 2020) ;
– une instruction du 3 février 2020 (Instr. DGAL/SDQSPV/2020-87, 3 févr. 2020, NOR : AGRG2003727C) ainsi qu'un communiqué de presse et une note du 30 mars 2020 du ministre chargé de l'Agriculture autorisant sous certaines conditions les agriculteurs à réduire les distances minimales fixées par ces deux textes.
 
La demande d’annulation du décret et de l’arrêté avait déjà été rejetée par le Conseil d’État le 14 février dernier (CE, ord., 14 févr. 2020, n° 437814 ; lire Distance d'épandage des pesticides : pas d'urgence à suspendre l'arrêté, Actualités du droit, 19 févr. 2020), mais l’adoption (fortement contestée) par le gouvernement de l’instruction et du communiqué, en raison du Covid-19, a été l’occasion pour les requérants de former un nouveau recours.
 
Pas d’urgence…
 
Sur le recours formé contre le décret et l’arrêté, le Conseil d’État, rappelant au préalable que la même demande avait été rejetée en février 2020, constate qu’aucun élément nouveau sur les effets d’une exposition aux pesticides n’est apporté pour prouver que les distances minimales de sécurité (par ailleurs fixées sur la base d’un avis de l’Anses du 4 juin 2019, ainsi qu’il avait déjà été évoqué dans l’ordonnance du 14 février 2020) sont insuffisantes.
 
Les nouvelles pièces apportées par les requérants, dont notamment une récente étude italienne, n’étant pas, pour le Conseil d’État, « de nature à remettre en cause l’avis rendu sur ce sujet par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail » (Anses), l’urgence n’est pas avérée et le recours est ainsi rejeté.
 
… ni d’objet
 
Quant à l’instruction ministérielle contestée, elle permettait aux agriculteurs, en ce contexte d’épidémie de Covid-19, d'appliquer des distances minimales réduites lors de l’épandage lorsqu'un projet de charte avait été élaboré, sans attendre son approbation par le préfet. Le Conseil d’État a jugé que ce texte ne présentait pas de « risque imminent pour la santé » et n'avait pas pour effet de compromettre la concertation publique prévue par le code rural et de la pêche maritime. Le défaut d’urgence entraîne donc à nouveau le rejet de la requête.
 
Enfin, concernant le communiqué de presse et la note du ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation (qui prévoyaient la même dérogation que l’instruction, ainsi qu’une dispense de concertation publique en raison des « difficultés » à mener de telles concertations durant la crise du Covid-19), la mesure dérogatoire prévue étant arrivée à échéance au moment de la décision (puisqu’elle avait pris fin au 11 mai 2020, date de la levée du confinement), le Conseil d’État constate simplement que la requête est dépourvue d’objet sur ce point.
 
La Haute juridiction devra donc se prononcer sur le fond de cette affaire dans les prochains mois.
 
Source : Actualités du droit