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Coup d’accélérateur sur l’expérimentation des véhicules autonomes

Tech&droit - Intelligence artificielle
05/04/2018
Un décret vient de préciser les conditions de délivrance et les modalités de mise en œuvre de l'autorisation de circulation à des fins expérimentales de véhicules à délégation de conduite, autrement dit, des véhicules autonomes. Un secteur d'innovation important pour Emmanuel Macron qui a précisé, le 29 mars dernier, les axes de déploiement de la stratégie de la France.
Certains constructeurs n’avaient pas attendu ce décret pour mener des tests de véhicules autonomes en France. Mais les autorisations d’essais grandeur nature étaient délivrées ponctuellement, sur des tronçons prédéterminés. Comme l’indiquait le président Emmanuel Macron le 29 mars dernier lors de la remise du rapport Villani,  « jusqu’alors, la France avait collectivement peiné à se positionner parmi les leaders en matière d’expérimentation et de développement de la voiture autonome ». Avec ce décret, les expérimentations sont généralisées sur tout le territoire français et ouvertes à l’ensemble des acteurs de la conduite autonome.
 
Ce décret était prévu par l'ordonnance n° 2016-1057 du 3 août 2016 (Ord. n° 2016-1057, 3 août 2016, art. 1 et 3) relative à l'expérimentation de véhicules à délégation de conduite sur les voies ouvertes à la circulation publique, qui renvoyait les précisions sur l'autorisation de circulation à des fins expérimentales d'un véhicule à délégation de conduite :
  • à un décret en Conseil d’État ;
  • à un arrêté pour la composition du dossier de demande d'autorisation et le contenu du registre créé pour répertorier les autorisations accordées.
Précisions sur les modalités d’autorisation de l’expérimentation
Première étape, donc avec la publication de ce décret. Concrètement, ce décret ouvre les tests de véhicules à délégation de conduite dans les hypothèses suivantes :
  • essais techniques et mise au point ;
  • évaluation des performances en situation pour l'usage auquel est destiné le véhicule à délégation de conduite ;
  • démonstration publique, notamment lors de manifestations événementielles.
Étant précisé que l'autorisation peut porter sur un véhicule affecté à l'exécution d'un service de transport de personnes ou de marchandises.
 
La demande d'autorisation doit être soumise aux autorités administratives compétentes (gestionnaire de la voirie sur laquelle se déroule l'expérimentation, autorité compétente en matière de police de la circulation lorsque des mesures spécifiques de police de la circulation sont requises et autorité organisatrice des transports lorsque la demande d'autorisation d'expérimentation porte sur des véhicules affectés à l'exécution d'un service de transport public).
Laquelle dispose d’un délai de trois mois à compter de sa sollicitation par le ministre chargé des Transports, pour rendre son avis (le défaut de réponse dans les six mois valant refus de l’administration).

Cette demande doit comporter un certain nombre de précisions, portant sur :
  • les sections de voirie ou le trajet sur lequel se déroulera l’expérimentation ;
  • les fonctions de délégation de conduite envisagées ;
  • la date de début de l’expérimentation ;
  • sa durée (deux ans, maximum, renouvelable une fois, en fonction du bilan de la première expérimentation).
L’article 4 de ce décret précise en outre que « L'autorisation peut être assortie de conditions en vue de garantir la sécurité durant l'expérimentation ». L’option laissée à ce stade sur les conditions de sécurité peut paraître étonnante…

En cas d’autorisation, un certificat provisoire d’immatriculation dit certificat WW DPTC, est délivré (Code de la route, R. 322-3).
 
L’encadrement du déroulé de l’expérimentation
Si au stade de l’autorisation aucune information n’est requise sur l’organisation de la sécurité, le décret prévoit, en revanche, au stade de l’expérimentation que « L'expérimentateur met en œuvre les mesures nécessaires pour remédier aux événements susceptibles de porter atteinte à la sécurité » (D. n° 2018-211, 28 mars 2018, art. 10).
 
Les véhicules doivent par ailleurs être équipés d’une boîte noire : l’article 11 précise ainsi que « Les véhicules sont équipés d'un dispositif d'enregistrement permettant de déterminer à tout instant si le véhicule a circulé en mode de délégation partielle ou totale de conduite. Les données sont automatiquement et régulièrement effacées. En cas d'accident, les données enregistrées au cours des dernières cinq minutes sont conservées par le titulaire de l'autorisation durant un an ».
 
Côté conducteur, le décret insiste sur la nécessité de toujours garder la maîtrise de la voiture :
  • le conducteur doit avoir reçu une formation préalable ;
  • la voiture doit toujours rester sous la maîtrise du conducteur (« lors de l'activation des fonctions de délégation de conduite, une personne assure, en qualité de conducteur, la conduite du véhicule »), étant précisé que ce conducteur peut être dans le véhicule mais aussi l’extérieur de la voiture (« l'autorisation d'expérimentation peut autoriser le conducteur du véhicule à se trouver physiquement à l'extérieur du véhicule. Il doit alors être en mesure de prendre le contrôle du véhicule à tout instant ») ;
  • le conducteur doit toujours être capable de prendre le contrôle du véhicule, « notamment en cas d'urgence ou lorsque le véhicule sort des conditions d'utilisation définies pour l'expérimentation ».
Si la voiture transporte des passagers, une information doit leur être délivrée (D. n° 2018-211, 28 mars 2018, art. 13).
 
Chaque expérimentation donne lieu à un suivi et à un bilan (modalités à venir dans l’arrêté conjoint du ministre de l'Intérieur et du ministre chargé des Transports). Le texte prévoit également un panel de sanctions en cas de non-respect de ces exigences (D. n° 2018-211, 28 mars 2018, art. 18).
 
Ce décret est entré en vigueur le 31 mars dernier (à l’exception des dispositions de l’article 9 sur la nécessité de circuler avec un certificat WW DPTC, repoussées au 1er janvier 2019).
 
Le calendrier d’Emmanuel Macron en faveur du véhicule autonome
L’État souhaite désormais accompagner l’innovation et la recherche en matière de véhicule à délégation de conduite : le président de la République a ainsi annoncé le 29 mars dernier que l’État va « financer(a) un programme national d’expérimentations en impliquant les territoires, les constructeurs et les équipementiers » (des réflexions seront menées sur les bases de données de tests, la cartographie, etc.).
 
Prochaine étape, la mi-avril : « nous publierons courant avril notre stratégie française pour le véhicule autonome, portée par Anne-Marie Idrac, avec l’ambition de positionner la France à la pointe de l’expérimentation et de l’industrialisation » a affirmé Emmanuel Macron.
 
Ensuite, « dès le début de l’année prochaine, nous disposerons du cadre législatif autorisant les expérimentations pour les véhicules autonomes de niveau 4 qui sera inclus dans la loi PACTE ». Et « d’ici 2022, un cadre de régulation permettant la circulation des véhicules autonomes sera mis en place ».
 
Restera ensuite à avancer sur un autre chantier, celui de la responsabilité…
Source : Actualités du droit