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Les recommandations de l’AMF suisse sur les ICO

Tech&droit - Blockchain
20/02/2018
Le 16 février dernier, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) a publié un guide pratique sur les initial coin offerings (ICO). Elle y propose de classer les jetons émis dans trois catégories, en donne les critères de distinction et détermine les règles applicables à chacune d’entre elles.
Ces lignes directrices font suite à une précédente communication rendue publique en septembre 2017 (FINMA, 29 sept. 2017). Cette autorité avait alors constaté qu’« Il n’existe pas, actuellement, de prescriptions spécifiques s’appliquant aux ICO, ni en Suisse, ni au niveau international ».

Déjà en septembre dernier, la FINMA constatait que « la forme concrète des ICO varie beaucoup, sur les plans techniques, fonctionnel et économique ». Et ce, d’autant, que certaines ICO se fondent sur des blockchains sous-jacentes existantes tandis que d’autres sont en cours de développement au moment de l’annonce de l’ICO (préfinancement ou prévente).

L’autorité de régulation suisse a donc choisi de suivre « une approche qui se focalise sur la fonction économique et le but des jetons ». Elle propose de distinguer entre trois types de jetons (token) :
  • « ICO de paiement : la FINMA considère comme clairement soumis aux dispositions en matière de blanchiment d’argent les ICO dont les jetons remplissent la fonction économique de moyen de paiement et sont déjà transmissibles. La FINMA ne traitera cependant pas ces jetons comme des valeurs mobilières ;
  • ICO d’utilité : les jetons d'utilité ne sont pas considérés comme des valeurs mobilières s'ils confèrent uniquement un droit d’accès à un usage ou à un service numériques et qu'ils sont utilisables dans ce sens à la date d’émission. Dans tous les cas où la fonction économique en tant qu'investissement existe également (ou seule cette fonction existe), la FINMA les traite comme des valeurs mobilières (comme des jetons d'investissement) ;
  • ICO d’investissement : la FINMA considère les jetons d’investissement comme des valeurs mobilières avec les conséquences correspondantes sur leur négoce dans l’optique du droit des marchés financiers. En règle générale, cette approche implique également pour les ICO des obligations correspondantes selon le Code des obligations (par ex. obligations d’établir des prospectus) ».
Étant précisé que des jetons peuvent correspondre à une ou plusieurs catégories (jetons alors dits hybrides), soit ab initio (un jeton d’utilité peut également être utilisé comme moyen de paiement), soit en raison de l’évolution de leur fonction dans le temps.

Concrètement, la FINMA propose la synthèse suivante sur les lois applicables à chaque catégorie de token :
 
    Préfinancement & pré-vente :
le jeton n’existe pas encore, mais il existe un droit négociable au transfert du jeton
  Le jeton existe
         
Jetons de paiement   = Valeurs mobilières
≠ Moyens de paiement selon la loi sur le blanchiment
  ≠ Valeurs mobilières
= Moyen de paiement
 selon la loi sur le blanchiment
         
Jetons d’utilité       ≠ Valeurs mobilières, si fonction d’utilité exclusive
= Valeurs mobilières si également fonction d’investissement
≠ Moyen de paiement selon la loi sur le blanchiment, si accessoire
         
Jetons d’investissement       = Valeurs mobilières
≠ Moyen de paiement selon la loi sur le blanchiment
 
Pour lui permettre d'apprécier les ICO qui lui sont soumises, la FINMA recommande aux porteurs de projet de lui transmettre un certain nombre d'informations, qu'elle liste : 
 
Informations générales
Nom du projet
Raison sociale/nom du promoteur du projet, y compris siège de l’entreprise/des entreprises, l’adresse/adresse (s), adresse (s) électronique (s) et site (s) Internet
Mention de toutes les personnes impliquées (y compris les adresses ou les sièges des sociétés), à savoir notamment :
- le créateur ;
- l’émetteur des jetons ;
- le vendeur des jetons ;
les autres participants du marché secondaire (plates-formes, organisateurs d’ICO, etc.)
Les personnes précitées disposent-elles déjà des autorisations prévues par le droit des marchés financiers dans d’autres pays ? Si oui, informations détaillées
Description du projet
Désignation, objectifs et déroulement du projet
Grandes lignes du service à développer
À quels acteurs du marché l’ICO s’adresse-t-il ?
Existe-t-il des restrictions concernant les investisseurs ?
Informations sur l’organisation et la planification du projet (déroulement chronologique de l’ICO, étapes importantes, etc.)
Informations sur les technologies utilisées (technologie distributed ledger utilisée ; des technologies nouvelles ou existantes sont-elles utilisées ; s’agit-il d’un projet open source ; autres)
Quelles cryptomonnaies (ou le cas échéant monnaies étatiques) sont acceptées lors de l’ICO pour la levée de fonds et à qui sont-elles versées ?
Quel est le volume global visé par la levée de fonds (converti en CHF) ?
Les moyens financiers ont-ils déjà été affectés à un certain projet ? Comment sont gérés les excédents lors de la levée de fonds ?
Émission de jetons
Un jeton est-il créé dans le cadre de l’ICO ?
Si oui : quelles sont les étapes de la création du jeton (indication des normes techniques, par ex. ERC20, indication de la technologie utilisée, etc.) ?
À quelle date, par qui et selon quelles modalités, le jeton doit-il être transmis aux participants ?
Quelle (s) est/sont la/les fonction (s) prévue (s) pour le jeton ? (description détaillée)
À partir de quelle date, les fonctions prévues seront-elles utilisables ?
Quels sont les droits acquis par l'investisseur ?
Comment sont-ils documentés (prière de joindre et de référencer des conditions de participation et d’émission concrètes).
Un intermédiaire financier soumis à la loi sur le blanchiment (LBA) en Suisse est-il impliqué pour satisfaire aux obligations de diligence selon la LBA ?
Si oui : informations sur la manière de procéder et l’intermédiaire financier impliqué (remettre le contrat de collaboration)
 Transmission et marché secondaire
Comment le jeton peut-il être transmis (informations sur les wallets compatibles, normes techniques) ?
Le jeton fonctionne-t-il déjà à la date de la transmission ? Si oui, dans quelle mesure ?
Comment et où le jeton peut-il être acquis ou vendu après l’émission (description du marché secondaire et indications des éventuelles plates-formes du marché secondaire) ?
Le jeton permettra-t-il d’acquérir des marchandises ou des services ou d’effectuer des paiements à des tiers ?
Le rachat de jetons par l'exploitant du projet/l’émetteur est-il prévu ?

Pour Mark Branson, directeur de la FINMA, « Notre approche équilibrée du traitement des projets et des demandes d'ICO permet aux innovateurs sérieux de trouver leurs marques dans le contexte réglementaire et de lancer leurs projets de manière à respecter les lois existantes, permettant ainsi de protéger les investisseurs et l’intégrité de la place financière ».

Côté français, on attend désormais le résultat de la consultation menée, d’octobre à décembre 2017, par l’Autorité des marchés financiers (AMF)...
Source : Actualités du droit