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Rapport Spinetta : pas de recette miracle pour le fret ferroviaire

Transport - Fer
16/02/2018
Le rapport remis au chef du gouvernement par Jean-Cyril Spinetta ne donne pas de recette miracle pour assurer un avenir à Fret SNCF. Il enfourche le (vieux) cheval de la filialisation, propose de taxer le transport routier de marchandises ou de laisser ce dernier profiter de péages ferroviaires sous-tarifés.
Quand l’heure arrive d’évoquer le fret ferroviaire, il y a toujours un expert pour parler de sa filialisation. Jean-Cyril Spinetta, chargé de réfléchir à la nécessaire réforme de l’entièreté du système ferroviaire français, n’a pas dérogé à la règle en rendant jeudi son rapport au Premier ministre. Sur l’ensemble de ce travail de quelques mois, qui traite surtout des moyens pour SNCF Mobilités d’aborder l’ouverture à la concurrence intérieure, le fret fait l’objet de quatre pages et de trois recommandations. S’il ne se trompe pas sur l’identification des maux qui plombent l’activité « Marchandises » de la SNCF, le rapport Spinetta ne tente pas d’innovation quand il propose des solutions.

Filialiser l’activité Fret

L’inévitable recapitalisation, par exemple : Jean-Cyril Spinetta propose de sortir la dette de Fret SNCF (4,3 milliards d'euros, soit plus du double par rapport à celle de 2005) et de la migrer vers SNCF Mobilités, « dont la structure financière est saine et qui est en mesure de supporter cette dette sans perdre ses capacités de développement ». Ce glissement de l’endettement structurel vers la maison mère permettrait alors de filialiser l’activité Fret, ce vieux rêve caressé par l’ensemble des rapporteurs qui ont précédé l’ancien PDG d’Air France dans l’étude de l’avenir de l’activité « Marchandises » de la SNCF… et aussi par la Commission européenne qui attendait - sans trop y croire - un retour à l’équilibre pour Fret SNCF en 2015. La filialisation sera-t-elle la panacée attendue ? Elle normaliserait l’exercice de l’activité, dans l’esprit du rapporteur. Permettra-t-elle à Fret SNCF de retrouver les parts de marché perdues au profit de ses concurrents privés ? La question reste entière.

Nouvelle filiale

Cette idée de la filialisation serait-elle la panacée ? Jean-Cyril Spinetta propose aussi de créer une filiale chez SNCF Réseau pour regrouper les infrastructures spécifiques au fret, actuellement délaissés par SNCF Réseau car ils sont trop spécifiques. Cette nouvelle filiale serait dédiée « aux capillaires fret et aux installations de services » et permettrait aux chargeurs et aux transporteurs d’être associés à la maintenance ou à l’exploitation de ces sites, parmi lesquels les chantiers de transport combiné. De là à penser qu’ils pourraient même y entrer au capital, il n’y a qu’un pas que Jean-Cyril Spinetta ne franchit pas.

Augmentation des péages du fret

Troisième recommandation : intervenir sur les péages. Aujourd’hui, malgré les fortes hausses subies depuis la fin 2016 par le fret pour acquérir des sillons, l’activité bénéficie toujours de péages au coût inférieur au coût marginal d’usage des infrastructures. Cet état de fait ne va pas pouvoir durer, car la Directive 2012/34 interdit cette pratique. L’augmentation des péages du fret devrait être de +4,5 % par an jusqu’en 2026 : une « évolution difficilement soutenable », reconnaît le rapport. D’où l’idée de revenir sur cette décision qui signe la mort de l’activité ou, si le gouvernement décide de maintenir ce réajustement tarifaire des péages, l’autre idée de forcer le transport routier de marchandises à augmenter ses prix : le rapport part de l’idée que l’abandon de la taxe PL fait que la route ne paie pas ses coûts externes, oubliant trop rapidement la hausse de la TICPE qui s’en est suivie. Faisant comme si l’activité routière ne compensait pas du tout ses coûts en matière de congestion et de pollution, le rapport propose, un peu rapidement et sans trop y croire, une « taxation renforcée du transport routier de marchandises ».

Il semble évident que ce qui sera retenu du rapport Spinetta n’aura que peu à voir avec le transport ferroviaire de marchandises, tant le sujet n’y est qu’esquissé. Comme si le rapporteur était resté sur le seuil d’une pièce, effrayé par le désordre qui y règne et par la tâche à accomplir. Quant au Premier ministre, il a déjà annoncé qu’il choisirait parmi les pistes d’évolution proposées, dès la semaine prochaine.
 
Source : Actualités du droit