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Quel avenir pour l’ICO ?

Tech&droit - Blockchain
13/09/2017
Le temps de la réglementation des Initial Coin Offering (ICO) est-il venu ? Plusieurs banques centrales viennent de prendre position ces dernières semaines. Le point avec Arnaud TOUATI, avocat associé, Alto Avocats, et Christina SALASSIDIS, étudiante.
L’Initial Coin Offering (ICO)permet à des entreprises de la blockchain de lever des fonds en offrant contre des pièces de crypto-monnaie comme le bitcoin, des tokens représentant tout actif ou tout produit. Pour ce faire, elles émettent au préalable ces tokens sur une plateforme dédiée. Les tokens peuvent tant représenter une part de capital, une créance, des pièces de bitcoin, qu’offrir une prestation de service ou ouvrir à un droit.
 
L’ICO est le nouveau mode de financement efficace des start-up, permettant de lever des fonds très importants en peu de temps. À titre d’exemple, le projet Tezos a réussi à lever l’équivalent de 232 millions de dollars ; le projet Brave a levé en juin dernier l’équivalent de 34 millions en moins de 30 secondes et le projet Bancor, 153 millions en 3 heures.

Selon Smith & Crown, depuis le début de l'année, 65 projets ont généré 522 millions de dollars dans ces offres.
 
Cependant, les organismes de réglementation et de contrôle des marchés financiers ont des difficultés à réguler le marché de l’ICO et son régime juridique reste encore très flou.
 
La Securities and Exchange Commission américaine avait déjà averti officiellement sur les risques des ICO et ces derniers mois, c’est à l’échelle mondiale que des discussions s’entament.
 
De nombreux États ont ainsi exprimé de profondes réserves face à ce type de financement.
 
Le 1er aout 2017, l’Autorité monétaire de Singapour a émis un avertissement concernant l’ICO : « les ICO sont vulnérables aux risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme en raison de la nature anonyme des transactions et de la facilité avec laquelle des sommes importantes d’argent peuvent être levées dans un court laps de temps ».
 
Un mois plus tard, par une circulaire du 2 septembre 2017, c’est la Chine qui a pris position. Après avoir signalé que l’ICO perturbe « l’ordre économique et financier », la Banque centrale chinoise a annoncé une interdiction immédiate du financement par ICO. Selon elle, « plus de 90 % des projets ICO violeraient les lois contre la fraude fiscale et la levée de fonds illégale. Le pourcentage de projets qui lève réellement des fonds pour des investissements est de moins de 1 % ». 
 
Des investigations concernant soixante transactions sont en cours et pour l’avenir, la Chine a donc choisi la voie de l’interdiction immédiate. Face à l’ampleur que prenait ce type de financement dans ce pays (à savoir que cette année, soixante-cinq opérations de ce type ont permis de lever 394,6 millions de dollars en Chine), cette décision n’est pas sans conséquence : les plateformes chinoises connectant des entreprises vendant des tokens avec des investisseurs ICOage et ICO.info, ont donc dû suspendre leurs services. Cette fermeture n’est pas sans conséquence sur les personnes morales qui doivent rembourser les sommes déjà levées par ce biais.
 
Quel avenir pour ce type d’investissement ? Si cette décision fait beaucoup de bruit et que les investisseurs s’imaginent le pire, les spécialistes semblent moins inquiets et rappellent que déjà en 2016, la Chine envisageait de créer sa propre monnaie numérique.
 
Après la Chine, c’est au tour de la Russie de se pencher sur le problème. Si elle n’interdit pas l’ICO, elle alerte les investisseurs sur les risques pris dans ces opérations et règlemente progressivement le marché : la Banque centrale russe conserve seule la compétence de pouvoir émettre une monnaie et donc l’émission de tokens. Désormais, une ICO avec des objectifs de créer une autre monnaie est purement et simplement interdite.
 
De plus, la Russie envisage d’interdire l’accès à l’investissement dans les cryptomonnaies aux personnes privées et prévoit que ce type d’investissement soit réservé aux seules personnes ayant le statut d’investisseur.
 
Les sociétés russes ne bénéficiant pas de ce statut et poursuivant leur projet d’ICO prennent donc un risque certain, alors même que la Banque centrale russe décide de durcir fortement sa législation vis-à-vis de ce mode de financement.
 
Dans cette succession de prises de position étatiques, la dernière en date est celle du Royaume-Uni. Le 12 septembre dernier, c’est l’autorité britannique de régulation des marchés financiers, la Financial conduct Authority, (FCA, 12 sept. 2017), qui s’est prononcée sur les risques pour les consommateurs des ICO. Cette recommendation fait suite à une consultation lancée en avril 2017, dont les conclusions devraient être rendues avant la fin de l’année.
 
Pour l’avenir, il est à noter que les États européens ne se sont pas encore réellement penchés sur la question et ils subissent encore l’émergence de l’ICO et ses risques corrélatifs.
 
Les États vont-ils réussir à harmoniser la législation et à réglementer son marché ? Ou ce dernier serait-il amené à disparaître progressivement ? Suite au prochain épisode.
 
Source : Actualités du droit