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Responsabilité du fait des attroupements : exclusion des actions préméditées

Public - Droit public général
02/11/2022
Dans une décision du 28 octobre 2022, le Conseil d’État rappelle que des actes de dégradation procédant d’une action préméditée ne permettent pas d’engager la responsabilité de l’État dans le cadre du régime de responsabilité du fait des attroupements et rassemblements prévu par l’article L. 211-10 du Code de la sécurité intérieure.
Dans cette affaire, le Conseil d’État était saisi par une société concessionnaire d’autoroute d’une demande de réparation de dommages liés à l’interruption de la circulation durant une nuit, du fait d’une « barricade de pneus enflammés et autres objets volés mise en place par des personnes qui cherchaient à obtenir l'extraction temporaire de détention pénitentiaire d'un de leurs proches afin qu'il puisse assister à une cérémonie d'obsèques ».
 
La question était de savoir si les dégradations pouvaient entrer dans le champ d’application du régime de responsabilité de l’État du fait des attroupements et rassemblements, prévu à l’article L. 211-10 du Code de la sécurité intérieure. Selon cet article, « l’État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ».
 
Absence d’action spontanée
 
Dans sa décision du 28 octobre 2022 (CE, 28 oct. 2022, n° 451659, Lebon T.), le Conseil exclut l’application de ce régime et rappelle que des actes délictuels ne peuvent être regardés comme étant le fait d’un attroupement ou d’un rassemblement au titre de l’article L. 211-10 précité lorsqu’ils ne procèdent pas d’une « action spontanée dans le cadre ou le prolongement d’un attroupement ou rassemblement mais d’une action préméditée, organisée par un groupe structuré, à la seule fin de les commettre ».
 
En l’espèce, le Conseil avait relevé que les actes commis « s'inscrivent dans un ensemble d'actions délictuelles, concertées et préméditées, notamment des dégradations, vols de matériels et de véhicules commis en ville, en dehors de l'autoroute, et sur l'autoroute, et la menace d'autres actions violentes », le conduisant à écarter le régime législatif spécial de responsabilité de l’État.
 
C’est donc l’absence de spontanéité et la préméditation des actes qui vont permettre de distinguer ceux relevant du régime de responsabilité de l’État du fait des attroupements et rassemblements et les autres. Cette frontière difficile à établir avait été illustrée dans une précédente décision rendue à propos des émeutes de 2005 (CE, 11 juill. 2011, n° 331669, Lebon T.). Le Conseil d’État avait considéré que la responsabilité de l’État devait être engagée sur le fondement de ce régime, alors prévu par l’article L. 2216-3 du CGCT, alinéa 1er, pour des dégradations commises quelques heures après l’annonce du décès de deux jeunes poursuivis par la police sur la mairie, une école maternelle et un bâtiment municipal : «  les dommages ainsi causés à ces bâtiments publics ont résulté de délits commis à force ouverte contre des biens ; que, dans les circonstances de temps et de lieu de l'espèce, ces actions doivent être regardées comme étant le fait d'un attroupement ou d'un rassemblement au sens de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales ».
 
Caractère prémédité et organisé sans relation avec un attroupement
 
Dans la même affaire, le Conseil avait en revanche exclu l’application de ce régime pour des événements survenus une semaine plus tard, à savoir l’ouverture forcée d’un gymnase municipal par une voiture bélier, ensuite enflammée, entrainant la destruction du bâtiment. Pour ces actions, « la cour n'a pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis en relevant que les agissements à l'origine des dommages en cause avaient été commis selon des méthodes révélant leur caractère prémédité et organisé et qu'il n'était pas établi qu'ils aient été en relation avec un attroupement ou un rassemblement identifié au sens de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales ».
Source : Actualités du droit