Quand l’action en paiement du créancier se heurte à l’interruption de l’instance…

Affaires - Commercial
23/12/2021
Si, en l’absence de déclaration de créance, une cour d’appel retient à bon droit que les conditions de la reprise régulière de l’instance en cours tendant à paiement – interrompue par la mise en liquidation judiciaire du débiteur – ne sont pas réunies, elle ne peut pour autant déclarer irrecevables les demandes en paiement du créancier : elle ne doit que constater l’interruption de l’instance.
Il résulte de l’article L. 622-22, alinéa 1er, du code de commerce que "les instances au fond en cours, qui tendent au paiement d'une somme d'argent, sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance", rappelle la Cour de cassation dans la présente affaire.
 
Préjudice subi par l’acheteur d’un véhicule d’occasion

La société X…, ayant pour activité le négoce de véhicules automobiles d'occasion, avait vendu une voiture à M. Y… le 10 mai 2014. Considérant avoir constaté des défauts sur le véhicule, l’acheteur avait sollicité des opérations d'expertise, avant de voir ledit véhicule détruit lors d’inondations en octobre 2015. Par acte du 30 mai 2016, M. Y… avait assigné la société X… devant le tribunal de commerce aux fins de voir homologuer le rapport d'expertise et  condamner le vendeur à l'indemniser de son préjudice estimé à la somme principale de 9 900 euros. Par jugement du 30 septembre 2016, la société X… avait été condamnée à payer cette somme à M. Y… au titre de la perte de jouissance de son véhicule pendant vingt-deux mois, la condamnation étant assortie de l'exécution provisoire. Ayant payé le montant dû, la société X… avait formé appel du jugement, avant d’être mise en redressement puis liquidation judiciaires les 11 septembre et 20 décembre 2017.
 
Une ordonnance d'interruption d'instance avait été prononcée par le magistrat de la mise en état le 8 février 2018 pour permettre au créancier de régulariser la procédure mais M. Y… n’avait pas justifié avoir déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société X…
 
La cour d’appel a retenu, en l’absence de déclaration de créance, que les conditions nécessaires à la reprise de l'instance n'étaient que partiellement remplies et que M. Y… ne justifiait pas d’un intérêt à agir ; dans son arrêt infirmatif, la cour a déclaré irrecevables les demandes en paiement présentées par le créancier et l’a condamné à rembourser à la société X… l'intégralité des sommes versées par celle-ci au titre de l'exécution provisoire (CA Douai, ch. 2, sect. 1, 28 févr. 2019, n° 17/02676, Lamyline).
 
Constat d’interruption de l'instance
 
Faisant valoir que l’instance se trouvait seulement interrompue jusqu’à la clôture de la liquidation judiciaire de la société X…, M Y… s’est pourvu en cassation.
 
Alors qu'ayant retenu, à bon droit, que les conditions de la reprise régulière de l'instance en cours devant elle en vue de la constatation et de la fixation de la créance de dommages-intérêts de M. X… n'étaient pas réunies, en l'absence de déclaration, la cour d’appel devait se borner à constater l'interruption de cette instance, sans pouvoir, par conséquent, se prononcer sur l'irrecevabilité ou le bien-fondé de la demande de ce dernier. Elle a donc statué en violation de l’article L. 622-22, alinéa 1er, du code de commerce.

Cassant l’arrêt dans toutes ses dispositions, la Haute juridiction renvoie les parties devant le juge d’appel.
 
Pour aller plus loin
Pour des développements complémentaires sur l’interruption des actions tendant au paiement d’une somme d’argent par le débiteur, se reporter au n3488 de l’édition 2021 du Lamy droit commercial.

 
Source : Actualités du droit