Faute inexcusable : tentatives multiples… et infructueuses

Transport - Route
11/10/2021
Quand le juge écarte et la faute inexcusable du transporteur contractuel, et celle du voiturier effectif.
Pour un transport de 21 palettes de matériel informatique de France en Espagne, un commissionnaire affrète un voiturier… qui délègue le transport à un confrère. Alors que le véhicule stationne, pour la nuit, à quelques encablures du lieu de livraison, des malfaiteurs s’emparent d’une partie de la cargaison.
 
Afin notamment d’échapper aux limites indemnitaires de la CMR, les ayants droit à la marchandise arguent de la faute inexcusable. Et pour bien faire, ils entendent voir celle-ci retenue tant à l’égard de l’affréteur que du transporteur effectif.
 
S’agissant de l’affréteur, est mise en avant la violation de l’interdiction de déléguer le transport. Pour la cour, qui retient pour cet intervenant la qualification de transporteur contractuel, une telle violation ne saurait être constitutive de faute inexcusable – faute, en France, équipollente au dol telle qu’envisagée par la Convention CMR. En effet, rien ne laissait supposer en agissant ainsi qu'un sinistre s'ensuivrait (exit la conscience de la probabilité du dommage) Bien plus, rien n’établit que le choix de sous-traiter à tel transporteur de bon aloi ait eu une incidence sur le vol (exit là l’acceptation téméraire).
 
Remarques
Il a déjà été jugé, notamment par la Cour de cassation, que dès lors qu'il n’existe pas de relation de cause à effet entre la faute commise et le dommage (Cass. com., 13 sept. 2017, no 16-10.596, Bull. civ. IV, no 116, BTL 2017, no 3659, p. 547, là aussi transgression d'une interdiction de sous-traiter, certes constitutive d'un dol mais déconnectée du vol objet de la réclamation), le transporteur ne perd pas le droit de se prévaloir des dispositions du chapitre IV de la CMR qui excluent ou limitent sa responsabilité.
 
S’agissant du voiturier, non sans avoir préalablement énoncé que « La faute inexcusable s'apprécie in concreto, selon les circonstances. La faute doit être délibérée et ne pas être une simple négligence, la conscience de la probabilité du dommage n'étant pas celle de sa possibilité. », la cour relève les éléments suivants :
  • l’aire de stationnement empruntée est notamment réservée au stationnement des camions (qui y sont en nombre) ;
  • le chauffeur, loin d’abandonner son véhicule, a dormi dans sa cabine ;
  • le chauffeur n’avait connaissance ni du caractère sensible de son chargement, ni de sa valeur ;
  • aucune consigne sécuritaire particulière n’avait été donnée,
et écarte en conséquence la faute qualifiée.
Pour aller plus loin, voir Le Lamy transport, tome 1.
 
Source : Actualités du droit