Compatibilité avec le marché de l’Union des aides octroyées par la France et la Suède aux seules compagnies aériennes disposant d’une licence nationale
Affaires - Droit économique
Public - Droit public des affaires
25/02/2021
Par deux décisions du 17 février 2021, le Tribunal de l’Union s’est prononcé pour la première fois sur les mesures d’aides prises par des États pour lutter contre les effets de la pandémie de Covid-19 en 2020.
La France, d’une part, avait notifié à la Commission européenne une mesure d’aide qui consistait en un moratoire sur le paiement de la taxe d’aviation civile et de la taxe de solidarité sur les billets d’avion dues sur une base mensuelle pendant la période allant de mars à décembre 2020. Il n’était accordé néanmoins qu’aux compagnies aériennes titulaires d’une licence française. Ces dernières pouvaient donc reporter sur 24 mois à compter du 1er janvier 2021 le paiement de ces deux taxes dues normalement de mars à décembre 2020. La Commission avait qualifié ce moratoire d’aide d’État compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, § 2, b), TFUE (aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires).
La Suède, d’autre part, avait notifié à la Commission un régime de garanties de prêts en faveur des compagnies aériennes titulaires d’une licence d’exploitation suédoise. Elle l’avait qualifié d’aide d’État compatible avec le marché de l’Union sur le fondement de l’article 107, § 3, b) TFUE (aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre).
Ryanair avait contesté ces deux décisions en arguant d’une violation du principe de non-discrimination en raison de la nationalité (TFUE, art. 18, § 1) et du principe de libre prestation des services (TFUE, art. 56).
Dans les deux cas d’espèces, le Tribunal de l’Union a rejeté ces moyens.
Sur la violation du principe de non-discrimination
En ce qui concerne le régime d’aides français, le Tribunal a constaté que la limitation du moratoire sur le paiement des taxes aux seules compagnies aériennes titulaires d’une licence française était appropriée pour remédier aux dommages causés par la pandémie de Covid-19. Il a également souligné qu’en vertu du règlement n° 1008/2008, la possession d’une licence française se traduit, dans les faits, par la présence du principal établissement des compagnies aériennes sur le territoire français et par leur assujettissement à la surveillance financière et d’honorabilité des autorités françaises. Les obligations réciproques entre les compagnies aériennes détentrices d’une licence française et les autorités françaises mises en place par le règlement précité constituent un lien spécifique et stable entre elles qui répond de façon appropriée aux conditions prescrites à l’article 107, § 2, b), TFUE. Il a en outre précisé que les entreprises bénéficiaires de ces aides étaient les plus touchées par la crise et qu’étendre le moratoire à des compagnies non établies en France n’aurait pas permis d’atteindre aussi précisément et sans risque de surcompensation l’objectif de remédier aux dommages économiques subis par les compagnies aériennes opérant en France.
Le Tribunal de l’Union a donc confirmé que ce régime d’aide français était conforme aux critères de l’article 107, § 2, b), TFUE et qu’aucune discrimination ne pouvait être relevée.
Pour ce qui est du régime d’aide suédois, le Tribunal de l’Union a également fait valoir la soumission des compagnies aériennes détentrices d’une licence suédoise à la surveillance financière et d’honorabilité des autorités suédoises et ce lien spécifique et stable entre elles qui répond de façon appropriée aux conditions prescrites par l’article 107, § 3, b), TFUE. Il confirme, en outre, que l’extension du régime d’aides aux compagnies non titulaires d’une licence suédoise n’aurait pas permis d’assurer la desserte régulière de la Suède et l’estime donc proportionnée. Il ajoute, à cet égard, que le dispositif n’allait pas au-delà de ce qui était nécessaire pour atteindre l’objectif visé puisqu’une chute d’environ 93 % du trafic aérien de passagers dans les trois principaux aéroports suédois avait été constatée fin mars 2020.
En conséquence, le Tribunal de l’Union a ici encore confirmé que le régime d’aide suédois était conforme aux critères de l’article 107, § 3, b), TFUE et qu’aucune discrimination ne pouvait être relevée.
Sur la violation du principe de la libre prestation des services
Le Tribunal a rappelé, sur cette question, que c’est le règlement (CE) n° 1008/2008 qui définit les conditions d’application, dans le secteur du transport aérien, du principe de la libre prestation des services. Ryanair n’ayant fait valoir aucune violation de ce règlement, le Tribunal de l’Union a rejeté le moyen.
Pour des développements détaillés en matière d’aides d’État sous l’angle privé, voir Le Lamy Droit économique, n° 2210 et suivants.
Pour des développements détaillés en matière d’aides d’État sous l’angle public, voir Le Lamy Droit public des affaires, n° 775 et suivants.
Pour des développements détaillés en matière d’aides d’État sous l’angle public, voir Le Lamy Droit public des affaires, n° 775 et suivants.
Source : Actualités du droit