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La semaine du droit des transports

Transport - Mer/voies navigables, Air
11/01/2021
Présentation des dispositifs des derniers arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit des transports.  
Transporteur aérien – indemnisation des passagers
« Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine, 20 mai 2019), rendu en dernier ressort, M. et Madame X, qui disposaient d'une réservation, délivrée par la société Transavia France (le transporteur aérien) pour eux-mêmes et leurs trois enfants mineurs, sur le vol Agadir/Paris prévu le 4 mai 2018, sont parvenus à destination avec un retard de 22 heures 28 à la suite de l'annulation de ce vol.
Sur le fondement du règlement (CE) no 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le règlement (CEE) no 295/91, ils ont obtenu du transporteur aérien le versement d'une indemnité de 400 euros pour chacun d'eux et deux des enfants.
Le transporteur aérien ayant refusé le versement de cette indemnité pour leur autre enfant en raison de son jeune âge et de ses conditions de voyage, ils l'ont assigné en paiement de cette indemnité et de dommages-intérêts pour résistance abusive.
(…) L'article 3, paragraphe 3, du règlement no 261/2004 dispose :
« Le présent règlement ne s'applique pas aux passagers qui voyagent gratuitement ou à un tarif réduit non directement ou indirectement accessible au public. Toutefois, il s'applique aux passagers en possession d'un billet émis par un transporteur aérien ou un organisateur de voyages dans le cadre d'un programme de fidélisation ou d'autres programmes commerciaux. »
Il ressort du libellé de la première phrase de ce paragraphe que le membre de phrase « non directement ou indirectement accessible au public » se rapporte exclusivement aux termes « tarif réduit ».
Cette analyse se vérifie dans d'autres versions linguistiques de ce règlement, telles que les versions en langues allemande, anglaise, italienne et espagnole.
Il s'ensuit que l'article 3, paragraphe 3, du règlement no 261/2004 exclut du champ d'application de celui-ci les passagers qui voyagent à titre gratuit, même si cette gratuité est prévue dans une offre accessible au public.
Cette interprétation est corroborée par l'économie et l'objectif de ce règlement, visant à renforcer les droits des passagers conférés par le règlement (CEE) no 295/91 du Conseil, établissant des règles communes relatives à un système de compensation pour refus d'embarquement dans les transports aériens réguliers. Ainsi, alors que le règlement no 295/91 ne couvrait que les hypothèses de refus d'embarquement, le règlement no 261/2004 prévoit des droits particuliers en faveur des personnes à mobilité réduite (article 11), la reconnaissance d'un droit des passagers à l'information (article 14), le droit au remboursement en cas de déclassement
(article 10, paragraphe 2), ainsi qu'un éventail de mesures différenciées en cas de refus d'embarquement de passagers contre leur volonté, d'annulation de leur vol et de vol retardé. Cependant, il reprend à l'article 3, paragraphe 3, la restriction énoncée à l'article 7 du règlement no 295/91, aux termes duquel : « Le transporteur aérien n'est pas tenu au paiement d'une compensation de refus d'embarquement lorsque le passager voyage gratuitement ou à des tarifs non disponibles directement ou indirectement au public. »
Le maintien de cette exclusion du champ d'application du règlement no 261/2004 a également été relevé dans l'avis du Comité économique et social sur la « proposition de règlement du Parlement européen et du
Conseil établissant des règles communes en matière d'indemnisation des passagers aériens et d'assistance en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol » (JO no C 241 du 07/10/2002).
Enfin, cette interprétation de l'article 3, paragraphe 3, du règlement no 261/2004 a été retenue par une cour suprème d'un autre Etat membre, la Cour fédérale d'Allemagne (Bundesgerichtshof) dans l'arrêt du 17 mars 2015 (X ZR 35/14).
En outre, si cet article énonce à la deuxième phrase du paragraphe 3 que l'exclusion ne s'applique pas aux passagers en possession d'un billet émis dans le cadre d'un programme commercial, cette disposition ne concerne pas un très jeune enfant qui voyage sans billet sur les genoux de ses parents.
Il s'ensuit que, en retenant que l'article 3, paragraphe 3, du règlement no 261/2004 exclut du champ d'application les passagers qui voyagent gratuitement et que l'enfant en cause, âgée de moins de deux ans, qui a voyagé sans billet d'avion sur les genoux de ses parents, ne pouvait bénéficier de l'indemnisation forfaitaire réclamée au transporteur aérien, le tribunal a fait une application exacte de cette disposition ».
Cass. 1re civ., 6 janv 2021, n° 19-19.940, P *


Traversées maritimes – connaissement
« Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 décembre 2017), la société LKW Walter Internationale Transportorganisation (la société LKW Walter), prestataire de transport autrichien, a régulièrement confié ses remorques à la société Louis Dreyfus Lines (la société LD Lines) pour des traversées maritimes entre l'Espagne et le Royaume-Uni. Le 26 mai 2014, à la suite de plusieurs transports maritimes effectués en mai 2014, la société LD Lines a établi une facture d'un montant de 18 550 euros dont la société LKW Walter ne s'est acquittée que partiellement, opérant une retenue d'un montant 9 243,36 euros correspondant à une créance qu'elle invoquait au titre des dégradations causées à un camion au cours d'un transport réalisé par la société LD Lines les 8 et 9 avril 2014. Assignée en paiement le 18 mai 2015, la société LKW Walter a opposé à la société LD Lines la compensation légale entre ces créances et demandé, reconventionnellement, l'indemnisation de son préjudice.

Il résulte de l'article premier, b) de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, aussi bien dans sa version originelle que dans celle issue du protocole modificatif du 23 février 1968, qu'un document similaire formant titre pour le transport de marchandises par mer équivaut au connaissement, pour l'application de cette convention. Ayant énoncé que l'absence de connaissement peut être suppléée par tout document similaire et relevé que, pour le déplacement, en avril 2014, entre les ports de Gijón (Espagne) et Poole (Royaume-Uni), du camion endommagé pendant la traversée, les parties avaient établi un document intitulé « detalles de reserva » (détails de la réservation), la cour d'appel a fait ressortir que le chargeur et le transporteur maritime avaient conclu un accord de réservation pouvant être assimilé à un contrat de transport, justifiant ainsi légalement sa décision de déclarer prescrite par un an, conformément à l'article 3, § 6, alinéa 4, de la convention précitée, la demande reconventionnelle en paiement de la société LKW Walter, malgré l'absence de connaissement.
Le moyen n'est donc pas fondé
».
Cass. com., 6 janv 2021, n° 18-15.228, P *

 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 11 février 2021.
Source : Actualités du droit